Vendredi 21 juin – Vent de N/NE, on fait des tours de rôles pour aller à terre en Kayak. La ville principale de l’ile d’Elbe, c’est Portoferraio, située au nord. Nous sommes sur la côte sud, notre dernière étape en Italie pour aller en Corse. Il y a de très belles criques sur cette île, que nous connaissons un peu mais nous sommes loin d’avoir tout exploré. A Marina di Campo, il y a un petit quai en dur, gratuit, où nous pourrions accoster car ce matin, trois voiliers sont partis. Finalement, nous préférons notre petit mouillage dans cette baie un peu fermée, l’eau est si belle. A gauche, devant le petit port de pêche, toute une série de barquettes amarrées à des corps morts dans un ou deux mètres d’eau. Puis vers nous, le chenal pour les planches à voile, pédalos, hobbie cat (pas de scooter des mer, ouf !) … et quelques voiliers là où l’eau est plus profonde. Mais du coup, nous sommes un peu loin de la plage. Le vent souffle, parfois un peu fort, mais l’Aloha est bien accroché sur son ancre qui nous permet de dormir sur nos deux oreilles. L’ancienne, c’est Bruno qui nous en a débarassés, elle était devant la maison, nous espérions nous la faire voler mais non … tout le monde à Trescléoux la prenait pour une charrue, à croire qu’il n’y a plus de paysans à la campagne. Devant, la plage et ses parasols alignés au cordeau, comme toujours. Le sable est bien blanc, un peu épais, mais Marina di Campo est une merveille de propreté. (A Argentario, tous les 50 m il y avait une poubelle, sur des kilomètres, mais sur la plage, on trouvait toute la panoplie du baigneur, du paquet de Marlboro à la boîte de coca et le reste). Nous avons réussi à persuader nos équipiers partis à terre de dépasser tout de même le fameux marchand de gelati, dont le souvenir est resté intact, il continue de vendre les mêmes éblouissants cornets … Donc ils ont continué oui, oui, dans la rue principale, les maisons sont basses, un air de vacances à perpétuité, il n’y a que des boutiques à maillots de bain et cartes postales, à coquillages, à minéraux, corail et turquoises, c’est incontournable … mais ça fait du bien d’aller à terre. Pas une épicerie. Nous avons fait quelques courses dans l’unique superette Conad, nous avons refait le plein autant que nous pouvions mais « je suis désolé, je n’ai que deux pieds (heu … deux mains » comme dirait Thomas Fersen. Nous y avons trouvé quatre magnifiques daurades « produit local » de 500 gr ! Repas de fête ... on fait ce qu’on peut mais sur l’air des chansons de Nougaro, Loreena Mc Kennitt et dudit Fersen (nous n’avons que ces trois CD à bord, une erreur d’organisation), ça faisait vraiment fête. En plus, il nous restait même quelques olives et des champignons pour accompagner la bière. Nous avons pris un apéro dehors, ressorti les vestes polaires car nous avions décidé de souper à neuf heures et demie et avec ce petit vent, ça nous a rappelé notre tout premier mouillage nord Sardaigne, à Cala di Volpe.
Nous partirons demain au Cap Corse, côte est, à Macinaggio, on ne pourra plus avoir internet, plus de météos par Meteo Consult. Il nous restera le Navtex et la VHF.

Samedi 22 juin – Le vent s’est calmé pendant la nuit. J’ai pris le meilleur bain de la croisère. Puis nous sommes partis de Marina di Campo, non sans avoir pris la dernière météo. Elle semble plus favorable.
Pierre a établi son plan. Départ prévu du Cap Corse mardi matin, après le coup de vent prévu sur Provence, arrivée sur Cavalaire ou Porquerolles mercredi dans la journée. Le reste jusqu’à Marseille … de toutes façons, Bolluda attend son capitaine vendredi 28 à 6h00 sur le Provence.
Nous étions entrain de quitter les eaux italiennes, Elbe est à 38 milles à peine du cap Corse, à l’est pour ainsi dire. A gauche, au sud, on voit l’île de Pianosa qui apparaît toute plate, et à droite, un peu au nord, l’île de Capraia. Très tôt le vent nous a quittés, donc nous voilà au moteur pour quelques heures.
Vers 17h00, en voulant faire chauffer de l’eau, panne de gaz ! Nous avons changé notre bonbonne juste avant le départ, comme d’habitude, pour ne pas avoir de surprise. On ne tiendra pas cinq jours sans gaz. Des lentilles crues, ce serait une cause de mutinerie. C’est la station Mobil de la corniche qui nous a fait le coup pour la deuxième fois … Un coup de VHF au port de Macinaggio pour savoir si la station service pourra nous dépanner. Demain, c’est dimanche. Il faut arriver avant 19h00. Bref, petite émotion et on pousse le bourrin pour arriver à temps.
18H20 : deux amarres au quai de la station service. Discussions. « La Corse, c’est vraiment lîle de Beauté ! », voilà, on s’est faits copains avec le type, il attrape même son pote qui passe juste par là et de son plus bel accent corse : « Tu les emmènerais pas en voiture au Spar ? Ils savent pas où c’est ». C’était vraiment un geste bienvenu. Tout est rentré dans l’ordre. Nous avons même failli rester au port, car un coup d’oeil rapide a suffi pour se rendre compte que le port et le village sont vraiment jolis, c’est tentant.
19h30 : mouillage devant le port.

Dimanche 23 juin – Mais c’est l’anniversaire de Jenny ! Quelques coups de téléphone. Jusqu’à présent, nous n’avions que Marcel au téléphone, ça nous faisait bien plaisir, et là, on a l’impression d’un retour à la civilisation. Nous ne sommes au courant de rien, sauf
qu’Obama était en visite officielle à Berlin. Le monde ne s’est pas arrêté de tourner. Sébastien me dit qu’il n’a pas l’habitude d’appeler ses parents et moi, j’ai bien envie de leur donner des nouvelles. Que faire ? Je reporte à demain.
Changé de mouillage, à un mille et demi plus au sud, à Méria, il paraît qu’on sera plus à l’abri. L’Aloha est tout seul. Nous allons attendre mardi matin pour partir.
Sébastien nous dit que dans sa banette, c’est le vrai bordel ! Avons-nous commis l’erreur grossière d’esquisser un sourire prématuré de satisfaction, du genre « il est en bonne voie pour le rangement » ? Il enchaîne aussitôt : « Je vais fermer le rideau ! ». C’est une solution à laquelle nous n’avions pas pensé … Sébastien ressemble à un viking, il a les sourcils tout blonds et la brosse à poils longs de ses cheveux aussi, il ne lui manque que la moustache. Et Lucas est de plus en plus noir, c’est pour faire râler les copains. Pierre a le nez pelé, mais ça, c’est depuis le début. Il me tarde de rentrer. Et pendant que je tape ma prose, nos jeunes ont le bec ouvert, quand est-ce qu’on mange ? Mais non, il paraît que c’est pour plaisanter …
Le bateau a tangué toute la journée, monte et descend, mais pas très fort, le vent est de SE, l’Aloha a le cul vers la plage, la mer rentre dans la crique, un peu coupée par le cap. Puis à 17h00 il a tourné de 180°, la mer est soudain devenue plane, forcément, le vent vient maintenant de terre. L’eau est bleue. Les jeunes sont rentrés juste à ce moment-là, ils ont attaché le kayak sur le pont.
Ce soir, je vais faire simple : spaghetti à l’huile d’olive. Aaargh !!! C’est Lucas qui prend un ton suppliant : « Tu sais bien que le repas du soir, c’est très important. » Pierre a peut-être trop insisté sur le fait que les deux personnes essentielles à bord sont le capitaine et le cuisinier. Et voilà le résultat. « Et quoi d’autre ? - Melone procciutto ». Lucas fait la tête et me propose de faire cuire les pâtes à sa manière. Devant tant de sollicitude, je propose du thon et de la crème fraiche. « Alors là, si tu fais ça, je saurai jamais comment te remercier ! » Il se paie ma tête. Et comme en aparté, il fait la leçon à Sébastien : « Tu vois, il faut toujours tenter, si tu tentes pas, tu n’as rien, si tu tentes, tu as des chances ». Sébastien n’est pas en posture de tenter, il est d’une tenue irréprochable, mais il jubile et ne peut vraiment pas le cacher. Il est passé à côté de la catastrophe. Des pâtes au thon ... le bonheur ! Ses yeux pétillent.
Nous sommes restés dehors pour le repas, assis dans le cockpit. Devant nous, on aperçoit encore l’ile d’Elbe et plus nettement Capraia. Les jeunes en face de nous leur tourne le dos, nous voyons leur silhouette noire dans la nuit, puis la lune s’est levée, bien pleine, au-dessus de leur tête. La scène est un peu irréaliste, Lucas fait semblant de se battre pour voler deux carrés de chocolat à Sébastien, mais Sébastien ne se laisse pas faire. Ils se marrent. Je ne sais pas s’ils se rendent bien compte … on se marre aussi, bien entendu, mais sans quitter de l’oeil les mouvements du bateau. Le vent siffle, on ne s’entend plus parfois. Les ferries passent : Corsica Ferries, Moby Dick, la SNCM, ça n’arrête pas, dans les deux sens.
Pierre et moi nous sommes installés au carré pour la nuit, histoire de laisser libre le passage du puits à chaîne, et pour être plus vite sur le pont au cas où. Mais on ne risque rien. Il y a trente mètres de chaîne de 12 à l’eau pour 5/6 mètres de fond.

Lundi 24 juin – Cette nuit, le vent souffle par raffales, et on jette un œil dehors de temps en temps. La crique est magnifique sous la lumière de la lune toute ronde. Ce coup de vent,